Covid-19 : fin des motifs impérieux pour les Français de retour sur le territoire après un déplacement à l’étranger
Affaires - Transport
16/03/2021
L’atteinte portée au droit fondamental qu’a tout Français d’accéder au territoire national n’est ni nécessaire, ni proportionnée et fait naître un doute sérieux quant à la légalité de cette disposition qui n’est pas de nature à faire diminuer significativement le nombre total d’entrées sur le territoire national.
L’Union des français de l’étranger et un particulier ont saisi en référé le Conseil d’État aux fins d’obtenir notamment :
- d’une part, la suspension des dispositions du décret n° 2021-31 du 15 janvier 2021 pris dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire imposant aux Français voulant rejoindre le territoire métropolitain depuis un pays autre qu’un pays membre de l’Union européenne, Andorre, l’Islande, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, Saint-Marin, le Saint-Siège ou la Suisse, de présenter le résultat d’un examen biologique de dépistage virologique réalisé moins de 72 heures avant le transport et ne concluant pas à une contamination par la Covid-19 ;
Ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir ainsi qu’au droit de mener une vie familiale normale, selon les requérants.
- d’autre part, la suspension des dispositions du décret n° 2021-99 du 30 janvier 2021 pris dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire interdisant sauf pour des motifs limitativement énumérés, l’entrée sur le territoire métropolitain des Français en provenance d’un pays autre qu’un pays membre de l’Union européenne, Andorre, l’Islande, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, Saint-Marin, le Saint-Siège ou la Suisse.
Les requérants soutiennent que ces dispositions restreignent le droit conféré à toute personne d’entrer sur le territoire de l’État dont elle est ressortissante, qui revêt un caractère général et absolu ; portent une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir ainsi qu'au droit de mener une vie familiale normale ; méconnaissent le principe d’égalité puisqu’elles instaurent une différence de traitement entre ressortissants européens et Français résidant à l’étranger et portent atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale. Le droit au recours effectif serait également entravé en raison du fait qu’aucun recours ne serait envisagé contre le refus d’embarquer opposé par une entreprise de transport.
Réponse du Conseil d’État
L’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire national suivant décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 et a été prorogé jusqu’au 1er juin 2021 par la loi n° 2021-160 du 15 février 2021. C’est dans ce cadre que le Premier ministre a pris deux décrets pour faire face à la crise sanitaire en prescrivant des mesures générales nécessaires.
La Haute juridiction administrative rappelle les conditions permettant de porter atteinte à un droit fondamental tel que le droit pour tout Français de retourner sur le territoire national après un voyage à l’étranger. Il doit s’agir d’une nécessité impérieuse pour la sauvegarde de l’ordre public, notamment pour prévenir, de façon temporaire, un péril grave et imminent. Et, déclarer l’état d’urgence sanitaire pour protéger la population d’une pandémie mondiale n’entre pas dans ce cadre dérogatoire. De même, les restrictions à l’embarquement imposées à des ressortissants français ne peuvent être justifiées « que si le bénéfice, pour la protection de la santé publique excède manifestement l’atteinte ainsi portée au droit fondamental en cause ».
S’agissant de l’obligation de présenter un test PCR négatif réalisé moins de 72 heures avant l’embarquement, le Conseil d’État considère que les dispositions litigieuses du décret du 15 janvier 2021 ne font pas « obstacle à l’embarquement lorsque la réalisation d’un test préalable s’avère impossible, que ce soit en raison de l’indisponibilité du test dans le pays de départ ou d’une urgence impérieuse à rejoindre le territoire national, tenant à la santé ou la sécurité de la personne ». La circulaire du Premier ministre du 22 février 2021 relative aux mesures frontalières mises en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire abonde en ce sens. Et les déplacements intra-européens notamment des frontaliers sont sans commune mesure avec ceux effectués entre la France et des Etats tiers, il n’y a donc pas de rupture d’égalité. La demande visant à mettre fin à la présentation d’un résultat d’examen négatif 72 heures avant l’embarquement est donc rejetée.
Pour ce qui est de l’obligation de justifier d’un motif impérieux pour rentrer sur le territoire notamment pour les déplacements en provenance de certains pays, le Conseil d’État précise que le décret n° 2021-272 modifiant les décrets n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire a apporté quelques assouplissements. Désormais, Les déplacements en provenance ou à destination d'Australie, de Corée du sud, d'Israël, du Japon, de la Nouvelle Zélande, du Royaume-Uni et de Singapour sont de nouveau possible sans avoir à justifier d'un motif impérieux.
Quant à la proportionnalité de cette mesure, la Haute juridiction observe que le nombre concerné de Français qui se voient interdire des déplacements de l’étranger vers la France n’est pas significatif. Ce n’est pas de nature à entraîner une diminution importante du nombre d’entrées sur le territoire. En conséquence, « en l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que l’atteinte ainsi portée au droit fondamental qu’a tout Français d’accéder au territoire national ne seraitni nécessaire, ni proportionnée, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la disposition contestée ».
C’est dans ces conditions que le Conseil d’État décide de suspendre l’exécution des articles 57-2 du décret du 16 octobre 2020 et 56-5 du décret du 29 octobre 2020 en tant qu’ils interdisent, sauf pour des motifs limitativement énumérés, l’entrée sur le territoire métropolitain d’un Français en provenance d’un pays étranger autre que ceux de l'Union européenne, Andorre, l'Australie, la Corée du Sud, l'Islande, Israël, le Japon, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, Saint-Marin, le Saint-Siège, Singapour ou la Suisse.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour vous proposer des contenus et services adaptés.
En savoir plus
-
Refuser
Accepterx