Brexit et Incoterms : « proscrire » l’EXW et le DDP
Affaires - Transport
16/03/2021
Dans les opérations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni ensuite du Brexit, le recours aux Incoterms Ex Works et Delivered Duty Paid est déconseillé par les intervenants du webinaire organisé le 16 mars 2021 par les représentants des opérateurs que sont ICC France, TLF Overseas, l'AUTF et le MEDEF.
Rappelant le triple défi – commercial, logistique et douanier – que représente pour les opérateurs la sortie de l’Union européenne par le Royaume-Uni depuis le 1er janvier 2021, Maître Jean-Marie Salva, président de la commission Douanes de ICC France, souligne « plus que jamais » l’intérêt des Incoterms, ajoutant que la version 2020 de ceux-ci a anticipé sur les problématiques liées au Brexit.
EXW et DDP : en termes d’esprit
La sortie par le RU de l’UE implique l’application des règles du commerce international et donc des Incoterms, rappelle Maître Christoph-Martin Radtke, président de la commission droit et pratiques du commerce international à ICC France et co-président du groupe de rédaction des Incoterms 2020 de la CCI. Même si ceux-ci ne règlent pas tous les aspects précités, ils déterminent toutefois qui fait quoi et qui s’occupe notamment des formalités à l’exportation ou à l’importation. L’avocat rappelle la logique qui préside aux Incoterms : celui qui est le mieux placé assume l’obligation. Ainsi, le vendeur s’occupe des formalités à l’export et l’acheteur de celles à l’import. Et pour chacune des 11 règles, une répartition équilibrée doit s’appliquer entre les intervenants.
Deux exceptions sont toutefois à signaler : il existe en effet des règles différentes à utiliser avec précaution et pour des situations particulières.
Il s’agit d’abord de l’Ex Works(EXW) qui est prévu dans les cas d’une vente nationale et dans une union douanière. Et sous ces deux angles, il n’est donc plus adapté dans les relations UE-RU après le Brexit.
Il s’agit ensuite du Delivered Duty Paid (DDP) dans la cadre duquel le vendeur se charge des formalités à l’importation : cette situation concerne l’hypothèse d’un vendeur qui dispose dans le pays d’importation d’une implantation ou d’une filiale (il s’agit d’une règle demandée par les grands groupes à l’international). Elle présente donc un « danger » pour les petites et moyennes entreprises notamment puisqu’on est là dans le « grand export ». Ces PME devraient se concentrer sur des Incoterms éprouvés pour la vente internationale et privilégier les FCA, CPT et DAP pour les ventes entre la France et le RU.
Conseil d’avocat
Maître Christoph-Martin Radtke souligne l’importance de ne jamais opérer, sous la pression commerciale, un changement d’Incoterms sans demander l’avis d’un spécialiste en douane.
EXW et DDP : risques pratiques
Les inconvénients pratiques du recours à l’Ex Works et au DDP dans les opérations entre l’UE et le RU depuis le 1er janvier 2021 sont exprimés notamment du point de vue d’un représentant en douane enregistré (RDE). Loïc Chavaroche, Chief Officer Brexit au sein du groupe Sterne, qui constate un « usage massif » de ces deux règles notamment par les primo-exportateurs ou importateurs, met en lumière certains risques avérés rencontrés sur le terrain : complexification des opérations quand les acheteurs ou exportateurs n’ont pas de représentation fiscale dans le pays d’exportation ou d’importation ; ralentissement du traitement des déclarations en douane ; une augmentation du non-paiement des droits et taxes par les RDE ; méconnaissance des Incoterms par les opérateurs qui est une source d’erreur et donc d’une multiplication des contrôles ; complexification des retours s’agissant du DDP en particulier dans le cas de SAV qui implique la mise en place de procédures spécifiques.
Remarques
Loïc Chavaroche rappelle que le RDE peut accompagner les opérateurs dans le choix des Incoterms (en les leur expliquant) et seulement pour les aspects transport, logistique et formalités douanières, mais que ce choix relève exclusivement de la négociation commerciale entre l’acheteur et le vendeur à laquelle ce représentant ne participe pas.
Solutions à l’EXW et au DDP : évolution ou révolution ?
Présentant les aspects fiscalo-douaniers d’une vente DDP avant et après le Brexit, Hubert Paquetin, président de la commission Douanes de l’AUTF, a illustré l’impact du Brexit sur le recours au DDP dans le cas des transferts de stock en consignation (hors vente). Il souligne la nécessité sur un sujet aussi technique d’une parfaite maitrise des Incoterms qui permet le recours à des formules proches du DAP ou du DPU, comme le DDP hors TVA que beaucoup d’exportateurs vers le Royaume Uni semblent utiliser avec satisfaction.
Si la persistance d’un recours sensible à l’EX Works dans les opérations entre la France et le Royaume-Uni est illustrée encore s’agissant d’un secteur particulier par Nicolas Ozanam, le délégué général de la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux (FEVS), celui-ci indique toutefois que les entreprises ont pris conscience des enjeux des Incoterms, même si ce n’est pour le moment encore la « révolution » sur ce sujet. La force de l’habitude de l’EXW est installée mais une évolution vers un recours au FCA est possiblement en cours.
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy guide des procédures douanières, n° 340-64. L’information ici présentée est intégrée à ce numéro dans la version en ligne de cet ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
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