Le vol de la marchandise transportée, qui constitue nécessairement un préjudice pour son fournisseur (refus pour l’acquéreur de payer le prix de vente), son acquéreur (perte de la marchandise acquise) ou encore son auteur (qui devient redevable de la TVA lorsque la marchandise est placée sous le régime de l’entrepôt douanier), peut libérer le transporteur qui l’achemine. Le point sur les conséquences du vol en transport.
▶ Vol, un événement de force majeure
Aux termes des dispositions des articles L. 133-1 et L. 133-2 du code de commerce, lorsque la perte, l’avarie ou le retard de la marchandise transportée résulte d’un événement de force majeure, le voiturier est exonéré de toute responsabilité dans le dommage en découlant.
Le législateur, dans l’article 1218 du code civil (Ord. 2016-131, 10 févr. 2016, JO 11 févr.), inspiré par la jurisprudence, définit la force majeure comme « un événement échappant au contrôle du débiteur [le voiturier], qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat [de transport] et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur [voiturier] ». L’empêchement de l’exécution de transporter la marchandise confiée peut être temporaire ou définitif. Dans la première situation, le transport est suspendu à moins que le retard qui en découlerait n’en justifie la résolution. Dans la seconde situation, la résolution du contrat de transport est de plein droit et les parties sont libérées (voir C. civ., art. 1351 et 1351-1). En d’autres termes, la force majeure est un événement imprévisible et inévitable.
Le vol, qu’il est fort tentant de qualifier d’événement de force majeure, n’en constitue pas un. En effet, le juge le considère comme une « pratique courante » (CA Lyon, 13 déc. 1984, n° 4469, Bagages rapides c/ Le Continent et a.) ou encore une « banalité contemporaine » (CA Rouen, 31 oct. 1984, n° 2480/82, Mexican line c/ Walbaum et a., Lamyline) de sorte qu’il ne peut pas correspondre à la définition sus rappelée. Par voie de conséquence, un vol commis dans un local fermé à clé ou encore pendant un mouvement social du personnel de surveillance du local ne saurait libérer le transporteur. Tel est le principe.
L’exception est la réalisation dudit vol avec violence dans des circonstances telles qu’il n’a pu être évité (CA Orléans, 20 mai 1992, n° 2185/89, X c/ Groupe Drouot et a., Lamyline). Ainsi, même muni d’un antivol, même parqué dans un endroit clos et surveillé par des vigiles lors de plusieurs rondes par nuit (en CMR : CA Paris, 13 janv. 1989, BT 1989, p. 690), un vol réalisé sans violence engage la responsabilité du voiturier. Une agression à main armée – surtout en cours de circulation – devrait ainsi libérer le voiturier, qui doit avoir fait preuve de prudence (circuler portières et vitres closes.). Devrait et non doit car à la vérité, le juge retient la force majeure au cas par cas, en fonction des circonstances de l’espèce.
À retenir : seul le vol avec agression est susceptible de constituer un cas de force majeure et d’exonérer le voiturier de sa responsabilité.
▶ Vol et faute inexcusable
Le conducteur, et par voie de conséquence le transporteur qui l’emploie, peut commettre une faute inexcusable (C. com., art. L. 133-8) lorsqu’il ne sécurise pas le chargement à lui confié et qui sera dérobé : portières non cadenassées du véhicule contenant de l’électroménager et stationné de nuit sur le bas-côté d’une route nationale, PL chargé et laissé avec les portes ouvertes et les clés dans la boîte à gants (contra CA Lyon, 25 mars 2021, n° 19/00411, Helvetia et a. c/ Catesson Transports et a. , BTL 2021, n° 3827, P. 220). Toutefois, une telle faute ne sera pas retenue lorsque le voiturier a pris les précautions d’usage pour sécuriser la marchandise (CA Douai, 10 déc. 2020, n° 18/03444, BTL 2021, n° 3823, p. 159) dont il ignorait la nature ou la valeur et qui se sera par la suite volatilisée. Il en est de même lorsque le chauffeur est contraint de s’arrêter la nuit, pour se conformer aux règles de temps de conduite et de repos, sur une aire d’autoroute italienne qui n’a pas la réputation d’être dangereuse, ne pouvant pas atteindre un parking gardienné en raison d’une circulation difficile (par exemple T. com. Nantes, 8 oct. 2020, n° 2019006118, Tokio Marine Kiln Insurance Limited et a. c/ Gotrans, BTL 2020, n° 3804, p. 605 : vol avec agression et stationnement sur une aire de stationnement non surveillée, le temps d'une coupure de nuit, voir aussi Le Lamy transport, tome 1, n° 608 et 609, Lamyline).
À retenir : la faute inexcusable étant – devant être – caractérisée de matière exceptionnelle par le juge (Cass. com., 25 nov. 2020, n° 18-26.387, BTL 2020, n° 3811, p. 716 : aux termes de cet arrêt, la conscience de la probabilité du dommage implique que le transporteur ait été informé du caractère sensible de la marchandise mise sous sa garde, Lamyline), le vol de la marchandise commise en raison du comportement du conducteur ne permet pas toujours une réparation intégrale du préjudice subi par l’ayant droit.
▶ Vol et location de véhicule avec chauffeur
Il résulte des termes du contrat type location (article 5) que la protection du véhicule loué avec conducteur contre le vol, dans des conditions normales de vigilance – fermeture à clé du véhicule –, relève d’une opération de conduite de sorte qu’un manquement à cette obligation engage le loueur (Cass. com., 3 juill. 2007, n° 06-14.604, BTL 2007, p. 484, Lamyline). Une cour d’appel a eu l’occasion, s’agissant du vol de la marchandise à l’intérieur du véhicule de juger que ledit vol s’inscrivait dans le cadre d’une opération de transport, relevant alors de la responsabilité du locataire (CA Paris, 12 sept. 2012, n° 10/07602, Helvetia et a.
c/ Transports Mayeur, Lamyline).
À retenir : la protection du véhicule loué contre le vol est une opération de conduite, sous la maîtrise du loueur, pour le contrat type location.
▶ Vol et assurance
Le vol de la marchandise acheminée est pris en charge par l’assureur marchandise, au titre de la garantie « tous risques ». Un vol partiel d’un bien se trouvant à l’intérieur d’un colis ne sera couvert que si et seulement s’il a été commis durant la période de la garantie et que ledit colis portait des traces d’effraction ou de bris constatées de manière contradictoire à la demande du destinataire par un commissaire d’avarie ou un expert mandaté par l’assureur – police référence, art. 2, 1 et art. 11).
Par ailleurs, la responsabilité du transporteur dans les hypothèses de vol tant de la marchandise que du véhicule, de la remorque ou de l’attelage, est couverte par une assurance RC, laquelle trouve à s’appliquer dans les conditions définies en principe par la clause syndicale vol 2005 (mise en œuvre de dispositifs antivols, portes et portières fermées, glaces entièrement levées, absence de clé à bord en l’absence du conducteur, tout autre accès verrouillé et fermé à clé ou cadenassé, stationnement supérieur à deux heures en l’absence du conducteur, véhicule remisé dans un endroit clos).
À retenir : le vol de la marchandise transportée peut être couvert par l’assureur facultés et RC sous certaines conditions.
▶ Vol réalisé par un employé du voiturier
L’appropriation de la marchandise par un préposé du voiturier, ou du voiturier lui-même, relève du dol, et donc de la faute inexcusable. Le transporteur est ainsi responsable contractuellement de cette « soustraction » de la marchandise à lui confiée par son préposé dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions, autrement dit « pendant ses heures de service ou à l’occasion de son service » (Cass. com., 21 juill. 1987, n° 86-12.091, BT 1987, p. 529, Lamyline). Au pénal, cette soustraction est qualifiée d’abus de confiance (C. pén., art. 314-1, CA Paris, 11 sept. 2014, n° 12/09960, Axa France et a. c/ Tokio Marine et a., Lamyline).
À retenir : le transporteur est responsable du vol de la marchandise confiée commis par son employé.
▶ Vol et dettes douanière et fiscale
Le vol de marchandises, déclarées en douane pour être placées sous le régime de l’entrepôt douanier, pendant leur transport vers un entrepôt douanier constitue une soustraction desdites marchandises à la surveillance douanière et donc une infraction douanière (Règl. (UE) n° 952/2013, art. 79, §1, a)) (CJUE, 4 mars 2020, n° C-655/18, Teritorialna direktsia « Severna morska » kam Agentsia Mitnitsi, venant aux droits de la Mitnitsa Varna c. « Schenker » EOOD et a.) et une dette fiscale (Cass. com., 4 févr. 2014, n° 11-13.316, Bull. civ. IV, n° 33 ; CJUE, 11 juill. 2013, n° C-273/12, Harry Winston : il ressort de ces arrêts qu’une telle soustraction déclenche l’exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA)). Le débiteur de la TVA est le malfaisant et celui de la dette douanière est le titulaire du régime douanier.
À retenir :le vol de la marchandise transportée vers un entrepôt douanier engendre une dette douanière à l’importation et déclenche le paiement de la TVA.
Par Nanahira Razafimaharavo
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