
La livraison en ville, une activité "inspirante"
En matière de livraisons en ville, il semble n’y avoir que des vertueux : Collectivités locales et acteurs proprement dit rivalisent d’ingéniosité… un peu tard par rapport à la problématique, un peu poussés par la réglementation, mais on ne va pas gâcher son plaisir à voir le bon sens prendre le pas sur les habitudes.
Exemples à foison piqués lors des 28èmes rencontres Transports et Mobilités, organisées le 19 octobre 2021 à Paris. A commencer par le -bon- exemple montré par Lidl, qui s’organise à partir de de ses 25 plateformes logistiques réparties sur le territoire national, à charge pour chacune d’entre elles de livrer 70 supermarchés. L’ensemble des références est stocké sur chacun des sites, ce qui est d’autant plus simple que l’enseigne a pour politique d’en limiter le nombre. Toutes sont livrées dans un même camion chargé à 74%, une tournée s’effectuant en moyenne sur 72 km. Quant aux flux retour, ils sont composés de déchets produits par les magasins, ce qui permet de ne plus avoir de poubelles dans les magasins.
Cette organisation très resserrée permet à l’enseigne de proposer, partout en France, les mêmes produits au même prix, ce qui participe pleinement au succès du distributeur. Les restrictions à la circulation en centre-ville auront-elles, à force de privilégier le véhicule au schéma logistique, raison de tels schémas logistiques ? Comme le rappelle Anne-Marie Idrac, à la tête de France Logistique, ce sont les collectivités locales qui décident, in fine. A elles d’entendre la parole des commerçants et celle des transporteurs.
Olivier Storch, directeur du programme Logistique urbaine pour le groupe La Poste, s’acharne à les mobiliser sur le sujet. « La livraison a un coût, mais elle a aussi un prix. Si l’on veut faire de la logistique durable, il faut se rendre à l’évidence que cela coûte plus cher », assène-t-il, histoire de rappeler à qui veut l’entendre (villes ? consommateur final ?) qu’en matière de livraison urbaine, comme ailleurs le gratuit n’existe pas. « Dans Paris, il est impossible de descendre en dessous de 3,5€ », prévient Olivier Storch. Les tournées de l’opérateur s’organisent à partir de plateformes de dégroupage situées assez loin des centres-villes, ce qui rend difficile l’exploitation de véhicules équipés de moteurs électriques qui, par exemple, sont plus efficaces sur des tournées plus courtes qui permettent de ne les recharger tous les deux jours. Plutôt que de déclencher « l’arme atomique que sont les Zones de faibles émissions (ZFE) », les collectivités locales auraient intérêt à dialoguer en amont avec les acteurs économiques concernés pour trouver des solutions !
La data à la rescousse
Elles pourraient en cela s’inspirer de la démarche suivie par la ville de Cannes pour gérer ses places de livraison. En période de congrès ou de festival, la localité triple son nombre d’habitants et son hyper-centre, où s’organise soirées et cocktails, décuple son besoin en approvisionnements de toutes sortes ; d’où l’idée d’équiper les places de livraison de capteurs afin d’adapter la verbalisation aux exigences du moment. En gros, quand la ville tourne à son rythme, certaines places peuvent être mutualisées entre voitures et véhicules utilitaires. Quand elle accélère, la verbalisation ne sera réalisée qu’au bout d’une demi-heure d’occupation de l’espace.
C’est l’utilisation des données collectées par les 168 capteurs installés qui a permis d’affiner la politique locale. Pendant deux ans, explique Marie Pourreyron, adjointe en charge de la mobilité, « on n’a fait que remonter des données. C’est après les avoir analysées qu’on a décidé de limiter la phase de livraison à une demi-heure. Ce n’est pas la peine, avant, de dépêcher un agent pour verbaliser car en moyenne, le déchargement n’est pas fini ».
Le salut de la livraison en ville passera donc, pour une part, par l’exploitation des données amassées par, d’une part, les collectivités, d’autre part, les utilisateurs de véhicules. Pour cela, encore faudrait-il adapter la loi ! A peine votée, la LOM s’avère sur ce terrain-là déjà désuète. « Elle n’autorise qu’un usage très restrictif des données collectées par les caméras qui lisent les plaques et ne permet pas de les stocker », précise Laetitia Dablanc, directrice de recherche à l’université Gustave Eiffel.