Propriété intellectuelle et TIC - Propriété intellectuelle et TIC
07/09/2018
Une juridiction chinoise a reconnu pour la première fois, en juin dernier, la valeur d’une preuve ancrée sur la blockchain. L’éclairage de Jérôme Deroulez, avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, membre des Incubateurs des Barreaux de Paris et de Bruxelles.
L’utilisation de la blockchain comme mode de preuve tend à se développer tous azimuts en France et au plan international pour des usages variés suscités par de pratiques innovantes (authentification, traçabilité, enregistrement de documents, due diligence, audit, propriété intellectuelle, etc.). Régulièrement présentée comme un registre numérique infalsifiable, la blockchain voit ainsi son champ d’application s’étendre et se concrétiser, à travers des expérimentations de plus en plus structurées.
L’admissibilité de la preuve blockchain par une juridiction chinoise
D’abord sur le fond de l’affaire. En l’espèce, la cour a dû se pencher sur une éventuelle violation de droits de propriété intellectuelle, le demandeur soulevant à titre de preuve de cette violation qu’il avait ancré le code source de son site dans la blockchainbitcoin. Ce mode de preuve a été déclaré admissible par la cour, et plus intéressant encore, cette dernière a insisté sur l’importance d’une approche neutre et ouverte quant au recours à la blockchain.
De l’intérêt des juridictions chinoises pour le réglement en ligne des litiges grâce aux nouvelles technologies
Ensuite parce qu’il s’agit d’une décision rendue par une juridiction conçue comme une plateforme dématérialisée de règlement de certains litiges en ligne (vente en ligne, responsabilité du fait des produits défectueux, droit d’auteur, etc.) qui se revendique comme étant à l’avant-garde du système judiciaire chinois en matière de preuve et de dépôt de preuve.
Alors que Hangzhou déploie des moyens financiers considérables pour figurer sur la carte des investissements consentis en Chine en matière de blockchain, à côté de Pékin et Shanghaï, la décision de cette juridiction témoigne de l’intérêt manifesté par les juridictions chinoises vis-à-vis de l’utilisation des nouvelles technologies lors du règlement des litiges dans la vie des affaires.
Par ailleurs, cette décision s’inscrit dans une réflexion de grande ampleur sur les modes de preuve en matière de droit d’auteur en Chine. En l’espèce, l’intérêt de cette affaire résidait aussi dans le fait que le demandeur n’avait pas eu recours à la certification par un notaire mais utilisé volontairement la blockchain comme mode de preuve. De nombreux commentateurs de cette décision en Chine ont ainsi considéré qu’elle annonçait des recours nombreux à la blockchain comme outil d’authentification et de certification.
Cette décision peut paraître paradoxale alors que la Chine – qui représente plus de 50 % de la puissance de minage mondiale – considère le recours aux monnaies virtuelles avec méfiance, a interdit les levées en fonds en cryptomonnaies et fait fermer les plateformes d’échanges. Ce paradoxe ne doit cependant pas éluder l’intérêt chinois pour la blockchain, les investissements dans ce domaine figurant expressément dans le 13e plan quinquennal 2016-2020.
Cette décision ne doit pas enfin être circonscrite aux seuls enjeux chinois. De nombreuses solutions existent aujourd’hui en France ou en Europe qui permettent l’horodatage de documents ou leur certification et devraient inciter à dépasser le seul cadre de l’expérimentation pour se saisir pleinement de ces potentialités à un moment où la modernisation des modes de règlements des litiges est d’actualité.
Au-delà de possibles avancées jurisprudentielles, c’est la question de l’invention de nouveaux outils juridiques qui se pose et qui invite à dépasser la simple appréciation financière ou fiscale de la blockchain.
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