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La semaine du droit des transports

Affaires - Transport
14/09/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en droit des transports, la semaine du 7 septembre 2020.
Aéronef – conditions de navigabilité – mise en danger de la vie d’autrui
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. A... X..., mécanicien de la société Air Moorea, et M. Y..., contrôleur de production, chargé de signer l’ Approbation pour remise en service (APRS) ont été poursuivis des chefs de maintien en circulation d’un aéronef ne présentant pas les conditions de navigabilité et de mise en danger de la vie d’autrui pour avoir fait effectuer en novembre 2007 par du personnel d’entretien non qualifié et sans contrôle le montage d’un câble de commande des ailerons d’un avion « Twin Otter » qui s’est avéré défectueux ; qu’un mois environ après ces travaux, à la suite de la perception d’une dureté des commandes, il est apparu que le câble passait en dehors de la gorge d’une poulie, au dessus de l’arrêtoir de celle-ci, ce qui avait eu pour effet de provoquer une usure rapide de ce câble sur une longueur de 2,5 cm, susceptible d’entraîner sa rupture ; que le tribunal a déclaré les prévenus coupables ; que les prévenus et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision ;
 
Pour déclarer le prévenu coupable de mise en danger de la vie d’autrui, l’arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la réalisation de travaux sensibles portant sur les commandes de vol a été effectuée par des techniciens non habilités B1, comme l’exigeait le Manuel des spécifications de l’organisme de maintenance (MOE) et que M. X..., qualifié B1, n’a pas procédé à la réparation ni à son contrôle bien qu’il ait signé les fiches d’instruction technique ; que les juges ajoutent que l’absence de contrôle réel et effectif, malgré les recommandations précises des documents techniques et le défaut grossier de montage du câble engage sa responsabilité alors même que des vérifications s’imposaient de plus fort quelques semaines après un accident mortel survenu à un aéronef du même type, ce qui ne constitue pas une simple négligence mais une violation manifestement délibérée du code de l’aviation civile et du Manuel des spécifications des opérations de maintenance sur le contrôle des travaux critiques touchant les systèmes sensibles ; que les juges retiennent que le prévenu a été défaillant sur la surveillance des techniciens sous son contrôle qui n’ont pas effectué correctement la vérification croisée, ce qui relève directement de sa responsabilité ; que les juges ajoutent que le mauvais positionnement du câble en dehors de la gorge de la poulie, au dessus de l’arrêtoir, a provoqué une usure importante de ce câble, après 44 heures d’utilisation seulement, susceptible d’entraîner sa rupture, ce qui était de nature à mettre en danger l’équipage et les passagers de l’aéronef transportés ;
 
En statuant ainsi, et dès lors que le Manuel des spécifications de l’organisme de maintenance (MOE) de la société Air Moorea, se borne à reprendre, en y ajoutant l’organisation interne de l’entreprise, les dispositions des parties 145 et M du règlement CE n° 2042/2003, directement applicables dans les pays de l’Union européenne, concernant les organismes chargés de la maintenance et les normes d’entretien, et pour les personnels chargés de l’entretien, les compétences prévues par la partie 66.A du même règlement, la cour d’appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel le délit de mise en danger de la vie d’autrui par la violation délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales invoquées ;
  
Vu l’article L.150-1 du Code de l’aviation civile, dans sa rédaction alors en vigueur, devenu l’article L. 6232-4 du Code des transports ;
Selon ce texte, sont punissables tout propriétaire, exploitant technique ou commercial d’un avion qui a fait ou laissé circuler un aéronef ne répondant pas à tout moment tant aux conditions techniques de navigabilité ayant servi de base à la délivrance du document de navigabilité qu’aux règles relatives au maintien en état de validité de ce document ;
Pour déclarer le prévenu coupable de maintien en circulation d’un aéronef ne répondant pas aux conditions de navigabilité, l’arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que le remplacement des câbles de commande des ailerons devait être effectué par un technicien B1, qu’il a été effectué par deux techniciens n’ayant pas cette qualité, que M. X... a signé les fiches d’intervention technique en qualité d’exécutant, tout en admettant qu’il n’avait pas procédé lui-même aux travaux, ni contrôlé le cheminement des câbles ;
Mais en statuant ainsi alors qu’il ne résulte pas de ses constatations que M. A... X... avait la qualité de propriétaire ou d’exploitant, la cour d’appel a méconnu le texte précité et le principe ci-dessus énoncé ».
Cass. crim., 8 sept. 2020, n° 19-82.761, P+B+I *
 

 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 14 octobre 2020.