Un industriel confie l’expédition d’une machine de 3 050 kg à un transporteur routier au départ de ses locaux parisiens, à destination d’un client strasbourgeois. Ne disposant pas des moyens nécessaires et redoutant une maladresse, il demande à un manutentionnaire de charger la marchandise. Le déchargement est confié au voiturier, qui l’accepte, car l’acheteur lui non plus ne possède pas de moyens de manutention. Celui-ci constate à la livraison que la machine et la caisse dans laquelle elle est conditionnée sont endommagées, probablement par un matériel de manutention. Personne ne peut toutefois dater le moment de la survenance du dommage : est-il survenu lors des opérations de manutention ou du déchargement du colis par le transporteur ? Voici un aperçu du régime de responsabilité du manutentionnaire et du transporteur.
→ Le manutentionnaire
L’écrit qui lie l’industriel et le manutentionnaire est un contrat de prestation de services (contrat d’entreprise) dans lequel le prestataire est tenu d’une obligation de faire, laquelle consiste à charger la marchandise. Une certaine jurisprudence y voit là en principe une obligation de résultat (CA Paris, 17 sept. 2015, n° 13/23714, Axa France et a. c/ IF Assurance, BTL 2015, n° 3569, p. 589 ; cependant, CA Versailles, 5 janv. 2016, n° 14/03719, AIG Europe c/ SDV LI, BTL 2016, n° 3581, p. 47, Lamyline), sauf si les parties en ont convenu autrement. Il en résulte que le manutentionnaire est responsable dès que des dommages sont constatés, sans qu’il soit nécessaire de démontrer sa faute dans l’opération de manutention (Cass. com., 3 févr. 1998, n° 96-11.525, BTL 1998, p. 124, Lamyline). Pour se libérer, le manutentionnaire doit prouver l'existence d'une cause étrangère, de la force majeure ou encore le fait de son cocontractant.
Lorsque le dommage est constaté au cours de la livraison et que le transporteur n’a pas émis de réserve au moment de la prise en charge de la marchandise, la victime doit établir que le dommage est survenu à l’occasion de l’opération de manutention. La tâche n’est pas aisée lorsque le sinistre n’est pas dénoncé immédiatement.
→ Le transporteur
En cas de perte ou d’avarie de la marchandise, le voiturier, tenu également d’une obligation de résultat (Cass. com., 11 juin 2002, n° 00-14.598), est présumé responsable lorsque le dommage fait l’objet d’un constat au moment de la livraison (C. com., art. L. 133-1). Cette responsabilité est engagée dès lors qu’il est établi qu’un contrat de transport a bien été conclu (par la lettre de transport) et qu’un dommage est survenu eu égard aux réserves portées par le destinataire sur la lettre de transport. En l’absence de réserve lors de la prise en charge de la machine par le conducteur, le sinistre est présumé s’être produit pendant le transport, et ce même si le chauffeur n’y est pour rien.
Par ailleurs, dans le présent cas, le voiturier a accepté de décharger la machine à la demande du fabricant (donneur d’ordre) alors que cette opération relève, en principe, du client destinataire, dans la mesure où l’envoi est supérieur à trois tonnes (contrat type « général », art. 7.2.2). Dans ces conditions, l’opération de déchargement est considérée comme une prestation annexe au de transport ; ladite prestation est alors rémunérée en complément du prix de transport stricto sensu (contrat type « général », art. 18.2). Les dommages survenus au cours de cette manipulation relèvent ainsi de la responsabilité du voiturier, présumée, en vertu du contrat de transport. Comme le manutentionnaire, débiteur d’une obligation de résultat, le transporteur renversera la présomption de responsabilité en démontrant qu’une cause étrangère est à l’origine du dommage. Aussi, il peut se libérer en invoquant un vice propre de la marchandise ou encore de la faute du contractant. Enfin, le transporteur doit démontrer que le moyen d’exonération dont il se prévaut est effectivement le seul à l’origine du dommage.
Par Nanahira Razafimaharavo
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