→ Un producteur de la Marne demande à son transporteur habituel, dont le conducteur est par ailleurs le convoyeur, de lui livrer des volailles (envoi de 500 kg) qu’il vient d’acquérir auprès d’un collègue d’Aubas (24), comme à l’accoutumée, en fin d’après-midi du 2 novembre. En cours de route, le voiturier est surpris par un renard qui traverse la chaussée ; il donne un grand coup de frein, mais hésite à descendre de son véhicule pour vérifier l'état des volailles, par crainte d'en être retardé car la fin de la matinée approche à grands pas. En effet, après cette expédition, le voiturier est attendu chez un autre client pour décharger d'autres animaux. Le voiturier fait-il bien d’hésiter ?
Le chauffeur doit conduire avec souplesse et à vitesse constante, changer les vitesses avec calme, prendre les virages avec prudence et éviter, tant que faire se peut diront d’aucuns, les freinages brutaux. Parmi les soins généraux et ordinaires à donner à la marchandise confiée qui incombent au voiturier, figure l'obligation de vérifier l'état du chargement après un coup de frein violent qu'il n'a pas pu éviter, comme en l’occurrence. Le transporteur ne doit pas hésiter et doit arrêter son véhicule – dès qu’il le peut ! – pour contrôler l'état des galliformes et, si besoin est, en cas de blessures par exemple, isoler les blessés et faire appel à un vétérinaire le plus proche pour leur prodiguer urgemment les soins nécessaires et ce, pour le compte du donneur d'ordre (contrat type « animaux vivants », art. 16, § 3, consultable dans C. rur., art. D. 212-78 sur renvoi de C. transp., art. D. 3222-4 ; C. rur., art. R. 214-56,). Concernant l’abreuvage et l’alimentation, la distance entre le lieu de chargement et de déchargement étant, en l’espèce, d’environ 680 km, il est possible de considérer que le voyage en poids lourd dure moins de douze heures. Par voie de conséquence, la disponibilité en quantité suffisante de la nourriture et de l’eau n’est pas requise par le règlement (CE) n° 1/ 2005 du 22 décembre 2004 également applicable, mais peut l’être par mesure de précaution, en cas de retard. Toutefois, dans la mesure où l'acheminement doit être interrompu pendant plus de deux heures – en cas de blessures par exemple – des dispositions adaptées doivent être prises pour permettre aux animaux, en sus de recevoir des soins, d’être alimentés, abreuvés, déchargés et hébergés si nécessaire (Règl. (CE) n° 1/2005, art. 22).
Par ailleurs, à l’occasion de cette vérification, le transporteur contrôlera la température et la ventilation, du moins pour les autres animaux, du chapon, objet de la seconde livraison et dont le voyage avoisine les douze heures.
À toutes fins, en sus des soins généraux, le transporteur est tenu d’apporter les soins spéciaux qui lui ont été demandés par le donneur d'ordre ou encore qui sont commandés par l’état des volailles. Ces soins spéciaux sont des prestations complémentaires à l’opération de déplacement et font l’objet d’une rémunération
complémentaire (contrat type « animaux vivants, art. 16, §2 et art. 18).
Pour mémoire Un voyage qui se déroule en France et qui dure moins de 12 h est un transport de courte durée. Cette durée est de 8 h pour tout voyage sur le reste du territoire de l’Union européenne.
Au-delà de 12 h en France ou de 8 h dans l'UE, le transport est dit de longue durée.
Les obligations du transporteur en matière d’alimentation, d’abreuvage, de repos ou encore de mise en conformité du véhicule pour assurer la protection des animaux durant leur expédition varient selon que le transport est de courte ou de longue durée.
→ Vérification faite, le conducteur reprend sa route et livre la première cargaison sans difficultés. Avant de poursuivre pour la prochaine livraison, prévue pour le lendemain, à 10 h, il envisage de s'arrêter en raison de la nuit tombante, sur le site d'un confrère qui s’est installé récemment dans une zone industrielle, proche d’un quartier résidentiel. Les clôtures sont installées, le portail reste entrebâillé mais peut se fermer à l’aide d’une chaîne et d’un cadenas. Le voiturier barguigne car une aire de stationnement, fort fréquentée, se trouve à une centaine de mètres et se demande s’il prend un risque en s’arrêtant et ce d’autant plus que l'éclairage est déficient.
Il appartient au transporteur d’animaux vivants, et plus généralement de toutes marchandises, là encore au titre de ses obligations de soins généraux et ordinaires, d'éviter les parkings qui ne sont ni sécurisés ni éclairés la nuit pour pouvoir surveiller et protéger le chargement contre le vol. Le conducteur prend donc un risque en s’arrêtant. Par ailleurs, et à toutes fins, la luminosité du camion, nécessaire pour contrôler les volailles pendant des arrêts non programmés ne peut pas obvier à la défaillance de l'éclairage du site.
Le transporteur est présumé responsable lorsqu’il méconnaît ses obligations d'apporter des soins à la cargaison qu'il a acceptée de déplacer et de livrer dans l'état dans lequel il les a pris en charge, en l'occurrence en bon état, en tout cas, en l'absence de réserve. Dans l’hypothèse de la survenance d’un sinistre, il est possible qu’une faute inexcusable lui soit reprochée, ce qui fera échec à la limitation de la réparation prévue dans le contrat de transport et fixée, comme dans le contrat type, à 14 € par kilo.
→ Le conducteur, prudent, décide finalement de s’arrêter dans l’un des entrepôts de son employeur, lequel est clôturé, surveillé et éclairé. Le lendemain, il reprend sa route, après avoir nourri les chapons et, heurte un pont qu’il avait pourtant coutume d’emprunter. Les chapons sont livrés quelque peu secoués et certains claudiquent.
Le transporteur est responsable, ce qu'il ne nie pas, du dommage ainsi subi par les chapons et résultant de la collision avec le pont. La question qui se pose est celle de savoir s'il a commis une faute inexcusable de nature à écarter le plafond d’indemnisation prévu par le contrat type animaux vivants, en l'absence de dispositions contractuelles en ce sens dans le présent acheminement.
Les juges considèrent généralement que le fait pour un conducteur de heurter un pont ne constitue pas une faute inexcusable mais une erreur, simple, même après avoir agi par habitude (Cass. com., 17 mai 2017, n° 15-24.761 ; CA Nîmes, 22 sept. 2016, n° 15/02482, Transports A. Martin & Fils et a. c/ SMABTP et a., Lamyline : rendu au sujet d’un transport exceptionnel dans lequel la route empruntée était interdite à ce transport. Le conducteur heurte un pont. La cour juge que le chauffeur a commis une « simple erreur », les éléments produits ne justifiant pas l'existence d'une faute délibérée). Le fait d'être passé sous ce pont en se fiant à l'habitude ne signifie donc pas que le conducteur a failli de manière délibérée, en acceptant témérairement la probabilité du dommage à venir. L'indemnité due est donc limitée à 14 €/kg, comme dans l’expédition précédente, en l'absence de déclaration de valeur. On en parle : Le transport des animaux par mer vers des pays tiers à l’Union européenne connaît, selon des audits commandés par la Commission européenne dans beaucoup d’États membres, des irrégularités. En effet, il semblerait que les dispositions du règlement (CE) n° 1/ 2005 relatif à la protection des animaux au cours de leur transport ne soient pas respectées. C’est ainsi que des équipements de navires inappropriés exposant les animaux à des blessures ou encore des systèmes d’abreuvement et de ventilation déficients ont été révélés lors de contrôles effectués aux points de sortie de l’Union européenne. Quelles ont été les mesures prises ? Les opérateurs coupables n’ont pas pu charger la cargaison ou ont été mis en demeure de procéder sans délai aux réparations appropriées. En France, des sanctions, qui doivent être effectives, proportionnées et dissuasives, aux infractions aux dispositions du règlement susvisé, de 2004, sont actuellement en gestation… (Rép. min. à QE n° 17311, JO Sénat 22 oct. 2020, p. 4826). Mieux vaut tard que jamais !
Par Nanahira Razafimaharavo
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