Procès-verbal douanier : qui est concerné par l’effet interruptif de prescription ?
Affaires - Transport
10/12/2020
La notification d'un procès-verbal par la Douane au débiteur principal, l’importateur en l’espèce, n’a pas un effet interruptif de prescription de la dette douanière à l'égard de toutes les parties, et donc pas ici à l’égard de son commissionnaire en douane codébiteur de cette dette : une « évidence » selon un arrêt du 24 novembre 2020 de la cour d’appel de Riom.
Dans l’affaire présentée « dans ces colonnes » (voir notre actualité), la cour d’appel de Riom a certes écarté d’une manière générale la possibilité d’interruption de la prescription de la dette douanière, mais elle a quand même examiné l’argument de la Douane qui soutient que la notification d'un procès-verbal au débiteur principal, l’importateur en l’espèce, a eu un effet interruptif de prescription « à l'égard de toutes les parties y compris la société [Ndlr : ici commissionnaire en douane] codébitrice de la dette douanière ». Et pour ce juge, « d'évidence, ce motif n'est pas recevable » : il n’est pas possible d’« opposer à une partie des événements et causes d'interruption qui intéressent uniquement une autre partie » et, ajoute le juge, l'argument de la Douane « pris du caractère "commun" de la dette douanière, outre qu'il n'est pas clairement expliqué et ne résulte que de la propre affirmation de l'administration des douanes, ne vise qu'à soutenir de manière artificielle et sans démonstration pertinente une interruption qui manifestement fait défaut, au regard de l’article 221-3 du code des douanes communautaire et de l'article 3 du règlement 2988/95 du 18 décembre 1995 » (sur ces textes, voir notre actualité précitée).
Autrement dit, selon le juge, le cours de la prescription ne peut pas être interrompu à l'égard d’un opérateur au motif qu’il l’a été pour un codébiteur qui en aurait eu seul connaissance parce que ce dernier se serait vu notifier un procès-verbal en ce sens. Si cela peut apparaitre comme une « évidence » pour reprendre le terme de la cour d’appel de Riom, il faut se remémorer les deux décisions ci-après, l’une allant dans le même sens et l’autre pas.
D’accord…
En 2016, la cour d’appel de Paris avait adopté une solution allant dans la même sens que la cour d’appel de Riom ci-dessus s’agissant des personnes concernées par l’effet interruptif du PV au regard de la dette douanière : elle avait en effet retenu que, « à la lettre même de ces dernières dispositions [Ndlr : l’article 354 du Code des douanes national], l'effet interruptif de la prescription résulte non du seul établissement d'un procès-verbal, mais de sa notification à la personne en cause ». En l’espèce, des PV avaient été notifiés aux déclarants et représentants de l'importateur mais pas à celui-ci directement et la Douane estimait que ces procès-verbaux avaient malgré tout un effet interruptif de la prescription à l'égard de l'importateur, puisque les personnes auxquelles ils avaient été notifiés représentaient l'importateur ; l'Administration se fondait sur la représentation ici directe où le représentant agit au nom et pour le compte de la personne représentée. En revanche, pour le juge, cette représentation directe n'est instituée que « pour l'accomplissement des actes et formalités prévus par la réglementation douanière » : si elle permet au représentant d'effectuer les actes et formalités incombant à la personne représentée, au nom et pour le compte de laquelle il agit, elle ne s'applique toutefois pas à l'accomplissement par l'Administration des actes lui incombant. Par conséquent, le fait que l'importateur ait été représenté par les sociétés à l'encontre desquelles ont été établis des procès-verbaux ne pouvait être considéré comme satisfaisant à la condition posée par l'article 354 « qui n'attache d'effet interruptif de la prescription qu'à la notification d'un procès-verbal à la personne en cause » (CA Paris, 18 oct. 2016, n° 15/20134, Administration des douanes (DNRED) c/ DPH Lingerie).
… pas d’accord
Il faut toutefois aussi relever une décision de 2004 de la Cour de cassation, rendue à propos de la prescription de l’action publique (les infractions), qui avait retenu au contraire qu’un procès-verbal de constat et de notification d'infraction qui ne faisait que notifier à une personne le contenu d'un autre procès-verbal antérieur notifié à d'autres personnes avait un effet interruptif à l'égard de tous les participants à l'infraction douanière (Cass. crim., 1er déc. 2004, no 04-80.567, Bull. crim., no 301, au motif de principe que tout acte de poursuite ou d'instruction interrompt la prescription de l'action publique à l'égard de tous les participants à l'infraction).
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy Guide des procédures douanières, n° 1015-66 et dans Le Lamy transport, tome 2, n°s1402 et 1620. La décision ici présentée est intégrée à ces numéros dans la version en ligne de ces ouvrages sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
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