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SORTIR DU DILEMME EMPLOI VS ENVIRONNEMENT

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Travail/nature : un rapport d’extériorité
Historiquement, les syndicats ont pour fonction de défendre « les intérêts matériels et moraux des travailleurs », explique Thomas Coutrot, chercheur associé à l’Ires. Dès son origine, le syndicalisme s’est préoccupé du droit des travailleurs à exercer leur activité sans mettre en danger leur santé et bénéficier de temps libre pour accéder à des espaces naturels préservés afin de se ressourcer. Cependant, ce rapport entre la sphère du travail et celle de la nature restait un rapport d’extériorité.
La théorie de « l’engrenage de la production » explique en partie la difficulté du mouvement syndical à s’attaquer de front à ces questions. Selon celle-ci, les salariés dépendent du succès économique de l’entreprise qui les emploie. Leur dépendance structurelle et leur situation de subordination vis-à-vis du capital font obstacle à une remise en cause des finalités ou des effets externes de leur activité de travail.

Actualité du match emploi vs environnement
Les bastions historiques des syndicats étant des secteurs particulièrement polluants (mines de charbon, pétrole, automobile, aéronautique, etc.), il leur est d’autant plus difficile de se saisir de la question environnementale. C’est notamment le cas aux États-Unis, premier producteur mondial de pétrole et de gaz naturel, où la transition vers une économie décarbonée est devenue un point de tension au sein du mouvement syndical. La transition énergétique ne se résume pas au problème de la perte d’emploi (fermetures de mines, de centrales thermiques ou d’usines automobiles) mais est susceptible de remettre en cause le niveau de vie des travailleurs concernés (pertes des avantages sociaux et de la protection sociale), explique Catherine Sauviat, chercheure associée à l’Ires. 
C’est aussi le cas en Belgique où en 2022, MWB, le syndicat de la métallurgie, favorable en principe à la transition écologique, a soutenu le projet d’extension de l’aéroport de Liège au nom de l’emploi.

Entrée par la santé au travail
Les travailleurs étant en première ligne des pollutions industrielles, la prise en compte des questions environnementales par la santé au travail permet de surmonter ces difficultés structurelles. La pression syndicale dans l’entreprise favorise alors une meilleure politique de santé au travail et incite le management à mener une politique active de prévention des risques sanitaires et environnementaux. Sur cette question, Sébastien Menesplier (CGT) et Madeleine Gilbert (CFE-CGC) déplorent la suppression des CHSCT, affaiblissant les prérogatives des représentants du personnel en matière de santé au travail.

Variété des stratégies syndicales
Cristina Nizzoli, sociologue à l’Ires, caractérise quatre types de stratégies syndicales face aux enjeux environnementaux : le déni, le freinage, l’engagement dans l’économie verte ou dans la post-croissance. Cette typologie permettant d’identifier les différentes stratégies syndicales ne classe pas de façon univoque les syndicats. « Des positions discordantes et fluctuantes coexistent au sein du mouvement syndical de chaque pays, et même souvent au sein de chaque organisation », explique la chercheure. Les stratégies diffèrent par exemple selon le niveau de l’action syndicale (branches, entreprises).
La conjoncture économique pèse fortement sur les choix des syndicats. En période de récession, la défense de l’emploi prend le pas sur les préoccupations environnementales. De même, le contenu et la temporalité des politiques publiques en matière environnementale ou de transition énergétique apparaissent comme des facteurs clefs pour saisir les stratégies syndicales qui s’affirment souvent en réaction à celles-ci.

Si l’entrée par la santé reste une clef pertinente, il est nécessaire pour les syndicats de repenser la manière de représenter les travailleurs et de renouveler leurs pratiques. C’est déjà ce qu’ont commencé à mettre en place certains syndicats belges en s’associant régulièrement avec des associations et ONG écologistes, explique Douglas Sepulchre, chercheur en sociologie à l’Université libre de Bruxelles. En Allemagne, les syndicats de l’industrie ont développé des initiatives à différentes échelles comme les « réseaux de transformation régionaux », les conventions et accords « du futur » ou encore les réformes sur la codétermination. Les syndicats canadiens sont, quant à eux, devenus une véritable force de pression pour que le gouvernement ne fasse pas payer aux 
salariés le prix de la transition écologique et accompagne les reconversions vers des secteurs moins polluants.


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